19 décembre 2012 | Hélène Buzzetti | Canada
Ottawa La guerre contre les militants environnementalistes prend des allures de bataille rangée. Un groupe voué à la promotion du pétrole albertain, considéré comme plus « éthique », sen prend à la fondation environnementale Sierra Club dans le but de lui faire perdre son statut dorganisme de charité au motif quelle nest quun paravent pour soutenir la frange militante antisables bitumineux.
Ethical Oil a ainsi porté plainte auprès de lAgence du revenu du Canada, demandant de révoquer le statut fiscal de la Fondation du Sierra Club du Canada (FSCC). Ce statut lui permet de récolter des dons et de délivrer des reçus dimpôt. Cette fondation finance ensuite divers projets environnementaux, dont certains menés par le Sierra Club, une entité distincte.
Mais voilà : Ethical Oil ne croit pas que les deux groupes sont véritablement distincts. Ses avocats font valoir, dans une soumission de 67 pages, que la Fondation ne sert quà rediriger largent vers le groupe militant, ce qui serait alors illégal. Pour conserver son statut fiscal, un organisme de charité ne doit en effet pas consacrer plus de 10 % de son budget à des activités de militance. Le Sierra Club est un groupe militant – et ne sen cache pas – et ne jouit pas de ce statut fiscal.
« La FSCC et le Sierra Club sont presque impossibles à distinguer », est-il écrit dans la soumission dEthical Oil. « Il ny a rien de mal à ce que le Sierra Club prenne part à des activités politiques puisquil nest pas un organisme de charité enregistré. Mais la FSCC ne peut pas financer le Sierra Club pour prendre part à de telles activités. [ ] » Il a été impossible de parler à quelquun dEthical Oil mardi.
Un coup politique
Le Sierra Club ny voit quune nouvelle tentative de faire taire les groupes ne partageant pas la même vision que le gouvernement. « Si vous suivez les liens et les histoires qui ont été écrites, vous verrez que Ethical Oil est directement lié au bureau du premier ministre », explique en entrevue John Bennett, le directeur général du Sierra Club.
« Il nest pas approprié dans le système canadien que le politique ordonne à ladministratif de mener une enquête, continue M. Bennett. Si le premier ministre ou un membre du gouvernement conservateur portait plainte, ce serait clairement politique. Alors ce quils ont fait, cest créer une fausse organisation populaire dont lobjectif avoué est de sen prendre à des organismes tels que le Sierra Club pour nous faire taire [ ]. »
Ethical Oil a été fondé par Alykhan Velshi, juste après avoir quitté son poste de directeur des communications du puissant ministre de la Citoyenneté et de lImmigration, Jason Kenney. Il a quitté lorganisme pour revenir au bureau du premier ministre Stephen Harper à titre de directeur de la planification.
Ce groupe refuse de dévoiler ses sources de revenus. Il affirme seulement ne pas recevoir dargent de létranger et den accepter dentreprises basées au Canada, non identifiées. Ce groupe milite pour le pétrole albertain, faisant valoir quil est plus « éthique » que le pétrole provenant du Moyen-Orient, où les femmes ne sont pas traitées équitablement.
John Bennett assure que le financement du Sierra Club respecte parfaitement les règles. Son groupe reçoit bien des fonds de la Fondation, mais seulement pour financer des projets spécifiques, dont une étude sur limpact de la baisse du niveau de leau des Grands Lacs sur les poissons.
Dans le dernier budget fédéral, le gouvernement conservateur a accordé une somme de 5 millions de dollars à lAgence canadienne du revenu pour enquêter sur les organismes de bienfaisance et sassurer quils ne mènent pas dactivités politiques. M. Bennett note en outre que lACR a désormais le pouvoir de suspendre temporairement le statut des organismes pendant un an, plutôt que de les aider à se conformer quand un pépin survient